Dans 3 jours, ce sera le premier anniversaire du tremblement de terre, à l’origine du terrible tsunami qui a causé 19 000 morts au Japon. J’y suis arrivée trois semaines plus tard, alors que le pays était cette fois-ci plongé en pleine crise nucléaire, et vis depuis le quotidien tokyoïte de l’après 11 mars. Calfeutrée dans ma situation d’expat’, je ne saurais en aucun cas juger de ce drame si intime, qui a frappé le peuple japonais sur sa propre terre, sa propre mer. En toute illégitimité, je ne peux que vous parler de ce que j’ai affleuré, lors de cette drôle d’année.
Décollage difficile
Initialement, nous devions déménager au Japon fin mars. En arrivant, je m’attendais à trouver un pays délabré et des habitants dévastés par le chagrin et la peur. Il y avait de quoi : énorme tremblement de terre doublé d’un gigantesque tsunami, avec en bonus, la menace nucléaire… En France, on en entendait parler tous les jours en termes apocalyptiques. Nous avons toutefois maintenu notre départ, et pour ne pas trop m’inquiéter, j’ai arrêté de suivre l’actualité. Une décision pas forcément très prudente, mais qui a été plutôt facile à prendre, tant l’envie de venir vivre dans ce pays était forte. Côté Japon, on sait aujourd’hui que les autorités ont cru un moment à la fin de Tokyo, soufflé par l’exposition des réacteurs de Fukushima.
Tout va bien madame la marquise
Et un beau jour, nous avons finalement pris l’avion et atterri dans un aéroport tout beau tout propre. Les employés nous ont salué, ainsi que chacun des voyageurs, d’une courbette profonde. En prenant le bus, on nous a porté nos valises et dans le métro, ça sentait bon. Dans la rue, les gens vaquaient à leurs occupations, les mères emmenaient leurs enfants à l’école, les policiers montaient la garde, les vendeurs déguisés en mascotte distribuaient des prospectus. Loin de la tourmente médiatique qu’avait provoqué en France le tsunami, la vie à Tokyo continuait calmement. Ainsi, nous avons doucement apprivoisé notre nouveau quotidien : la mélodie qui retentit dans la ville à 5h pile, les kombinis ouverts à toute heure du jour et de la nuit, les distributeurs de boisson que l’on trouve à tous les coins de rue,… Et pas à un seul moment, je n’ai ressenti une quelconque panique, un malaise par rapport aux évènements.
Des fantômes pour se reconstruire
Je finissais par vraiment me demander comment les Japonais arrivaient à gérer toute cette pression. Sûrement pas au travail, si hiérarchisé et réglementé, et qui empiète largement sur la vie familiale. Peut-être alors dans les izakayas, ces bars où se retrouvent le soir les travailleurs, autour d’un menu nomihodaï, avec boisson à volonté ? Les onsen alors ? A Tokyo, ils se comptent sur les doigts de la main. Ou bien encore dans les mangas, jeux vidéos et autres mondes imaginaires, pour lesquels les Japonais sont si inventifs ?
Et puis, tout récemment, j’ai lu un autre article, sur des rumeurs de fantômes, notamment dans la ville de Ishinomaki, décimée par le tsunami. Quand en France, les rares personnes qui croient aux esprits passent pour des originaux, ici c’est plutôt l’inverse. Une croyance profondément ancrée depuis le shintoïsme, première religion du Japon, et qui se perpétue aujourd’hui. Dans l’article en question, on mentionne l’avis d’experts qui expliquent dans une logique bien huilée, que la vision de fantômes correspond à une étape naturelle du processus de guérison. Mais moi, je préfère de loin la réponse donnée par Yuko Sugimoto, tellement plus humble et respectueuse vis-à-vis de chacun :
« Beaucoup de gens qui menaient une vie normale sont décédés subitement, » dit-elle. « Je suis sûre qu’ils doivent aussi trouver cela difficile à accepter. Il serait étrange qu’ils ne s’expriment pas. »
Et en guise de recette, une soupe miso toute simple, merveille de saveurs maritimes. Parce-qu’en dépit de tous les évènements passés, les Japonais continuent (entres autres) d’honorer la mer dans leur cuisine.
Miso-shiru, Soupe au miso
Pour 4 personnes
– 80cl de dashi
– 2 cuillères à soupe de miso
– 2 cuillères à soupe d’algues wakamé séchées
Mettre à tremper les wakamés, porter le dashi à frémissements. Égoutter les wakamés. Dans un bol, déposer un peu de wakamés, une noix de miso et diluer en versant le dashi. Procéder de la sorte pour chaque bol. Maintenir au chaud à l’aide d’une assiette renversée.
Se sert sans cuillère, il suffit de boire à même le bol en le portant d’une main à la bouche, et non l’inverse ;)
9 réponses à Le tsunami, presque 1 an… Miso-shiru