Pour endurer l’hiver, on n’hésite pas au Japon à appeler la patate douce à la rescousse. Celle que l’on nomme ici « Satsuma Imo », est particulièrement appréciée en plat salé, mais aussi – et surtout – dans les desserts : préparez-vous à en (s)avoir gros sur la patate !
Originaire d’Amérique du Sud, la dame patate serait arrivée sur la péninsule il y a environ 300 ans. « Satsuma », est le nom de l’ancienne province japonaise sur l’île de Kyushu, où l’on a commencé à la cultiver. C’est ainsi que le fameux « imo-joshu » est devenu l’une des spécialité de l’île. Produite à partir de ces mêmes patates, il s’agit d’une boisson appartenant au type appelé ici « shoshu« , alcool issu de distillation, que les Japonais produisent également à base de nombreux autres ingrédients, tel le blé, le riz, ou encore la pomme de terre.
Mais la patate douce n’est depuis longtemps plus l’apanage de Kyushu : très nourrissante, elle s’est rapidement répandue, notamment suite à de terribles famines, comme celle dévastatrice de Temmei qui aurait fait entre 1782 et 1788 jusqu’à 900 000 morts selon Wikipedia. Probablement garde-t-elle de ce rôle salvateur, l’immense popularité qu’on lui connaît aujourd’hui sur la péninsule. Et c’est en son honneur qu’à partir de l’automne, les rayons se couvrent de gâteaux et biscuits jaunes et roses. Car il existe nombres de variétés, mais la patate douce du Japon possède une magnifique peau d’un rose violacé et une chair jaune pâle, à la texture légèrement plus sèche, que celles que l’on trouve en Europe. On dit que plus elle est pâle, moins elle est sucrée, toutefois je lui trouve un goût très doux, avec une note de châtaigne bien prononcée. Pour en avoir un complet aperçu, approchez-là au plus près sur cette vidéo d’amateur, la montrant dans sa robe des champs.
Pour braver les frimas, voici un dessert classique japonais : le « Sui-to Poteto« , dont le nom a été simplement calqué sur l’anglais « sweet potato ». Prélevée sur le site Kyoto Foodie, la recette aurait été inventée en 1949 par Matsuzo Inoue, pâtissier au mythique Teikoku Hotel à Chiyoda, dessiné par Frank Lloyd Wright en 1923, dont il ne reste plus rien, excepté l’entrée, reconstituée au musée d’architecture de Nagoya. Inclassable, son architecture synthétisait influences occidentales et japonaises dans un langage décoratif totalement inédit et proprement génial. Mais l’édifice est démoli en 1968, victime de la fièvre immobilière tokyoïte, pour laisser place à un bâtiment plus profitable – mais tellement plus banal – l’actuel Imperial Hotel de Tokyo. Au sujet de Matsuzo Inoue, je n’ai trouvé que très peu d’informations et suis preneuse si quelqu’un en sait davantage.
« Sui-to Poteto » est une douceur toute simple à réaliser, saine et nourrissante, dans l’esprit de la cuisine de Kyoto, réputée comme la plus saine de la péninsule et basée sur le choix d’ingrédients de saison au nombre réduit, dont on exalte les parfums avec un usage modéré du sucre. J’ai trouvé cela complètement grisant de cuisiner avec tant d’épuration. Amateurs de saveurs brutes de décoffrage, foncez sur ces moelleux, dont la texture dense et le parfum évoquent la pâte d’amande, alliés à des notes de châtaigne et de cannelle. Dans la recette de Kyoto Foodie, on saupoudre les dômes de quelques graines de sésame mais j’ai préféré les garder pour d’autres plats dans lesquels ils seront plus à l’honneur.
Si vous utilisez des patates douces d’Europe, plus humides, ne mettez pas le lait tout d’un coup. Si vous êtes sans balance, utilisez comme mesure un contenant de 20cl type pot moutarde.
Douceurs à la patate douce, dans le style de Kyoto
Pour une dizaine de dômes
– 250g de patate douce (1 moyenne patate)
– 5cl de lait (1/4 de mesure)
– 15g de beurre fondu (1 cuillère à soupe)
– 2 jaunes d’oeuf
– 50g de sucre (1/4 de mesure)
– 1 cuillère à café de cannelle
Éplucher la patate douce, la couper en dés et la faire cuire 20 minutes à la vapeur. Réduire en purée en ajoutant le beurre fondu, le sucre, puis le jaune d’oeuf. Ajouter progressivement le lait, peut-être pas en totalité : la texture doit rester assez compacte pour former les dômes. Dans un torchon à mailles larges type japonais, ou bien sur 2 pièces de gaze superposées (ce que j’ai fait), déposer au centre l’équivalent d’une demi cuillère à soupe, refermer les bords et tourner pour former de petits dômes couronnés de volutes. Préchauffer à 180°C, dorer avec le jaune du second oeuf et enfourner une quinzaine de minutes jusqu’à ce qu’ils aient bien bronzé.
Parfaits en mignardise pour accompagner un thé matcha bien amer ou un expresso serré.
D’autres petites douceurs d’hiver :
– Moelleux patate douce et sésame sans oeuf
– Sablés au sésame
– Cookies noisettes et chocolat
8 réponses à Satsuma-imo, reine de l’hiver au Japon et dessert « Sui-to Poteto »