Pour mon tout premier billet du renouveau, je te propose une plongée dans le petit monde viticole de mon village, Saint-Martin-le-Beau. C’est un village typique de la région, dont la traversée est interdite aux poids lourds, tant son sous-sol est criblé de caves. A tous les coins de rue, enfouies derrière un muret de pierre ou sous un manteau de lierre, on trouve des portes conduisant ainsi dans les profondeurs de Saint Martin. Ici, la cave dépasse souvent la surface de la maison : comme chez moi où elle court jusqu’à la rue, sous la maison et le jardin.
Nous sommes situés en bord de Loire, dans la toute petite appellation de Montlouis-sur-Loire, entre Loire et Cher, pile en face de Vouvray. On y cultive différents cépages, blancs ou rouges, mais c’est avant tout le royaume du Chenin. Il produit un raisin blanc et a pour particularité de s’épanouir dans cette région tempérée, qui lui apporte juste ce qu’il lui faut de fraîcheur et de soleil. Personnellement, avant même d’arriver en touraine, c’était déjà mon cépage préféré en matière de vin blanc : sec et minéral, tout en étant ample et généreux, avec des arômes d’agrumes, de fleur et de coing.
Pour parler du travail que l’on fait ici de la vigne, je laisse la parole à François Chidaine. A la tête d’un vaste domaine qui se partage entre Vouvray et Monlouis-sur-Loire, cet enfant du pays pratique la biodynamie depuis plus de vingt ans. Avec mes affinités écolo-bio, je suis naturellement attirée par sa démarche, mais comme beaucoup, je reste perplexe par rapport à la pratique de la biodynamie qui me paraît doublement lunaire. D’autant qu’au coeur de l’appellation, les viticulteurs traditionnels avec qui j’ai sympathisé, n’ont pas que des mots tendres sur les partisans du bio : certains seraient des tricheurs, d’autres se serviraient du bio pour survendre leurs vins, ou encore pour contrebalancer leur ignorance du métier.
Ceci étant dit, François Chinaine est reconnu par ses pairs pour la qualité de son travail. Ses vins blancs explorent toutes les nuances du sucré, allant du sec au moelleux, en passant par le tendre. Je te laisse donc en très bonne compagnie !
Copyright : François Chidaine
Vigneron ou Viticulteur ? Quelle est la différence ?
Je me considère comme un vigneron, le paysan de la vigne, plutôt que viticulteur, que certains préfèrent car il fait plus moderne. Mais moi, je suis fils et petit-fils de paysans et je préfère le terme de vigneron qui est plus ancré dans la terre, le vivant.
Comment êtes-vous devenu vigneron ?
Je suis né dans une famille de paysans qui pratiquaient comme tout le monde ici la polyculture : vignes, bêtes et céréales se cotoyaient sur les mêmes terres. Peu à peu, la vigne a pris le pas sur le reste, et nous n’avons plus fait que cela.
Comment êtes-vous venus à la biodynamie ?
J’y suis venu assez naturellement, mes parents n’étaient déjà pas très chimie. On est passé en bio, puis en biodynamie il y a déjà plus de vingt ans. J’ai été très inspiré par Mark Angeli et son domaine de la Sansonnière à Thouarcé en Anjou, ainsi que le travail de Pascal Delbeck au château d’Ausone. Je me suis retrouvé dans leur démarche de faire du vin qui a de la personnalité. Cela demande beaucoup de travail, avec des risques accrus, pour un résultat moins quantitatif, mais je ne regrette pour rien au monde.
Comment expliqueriez-vous la biodynamie à des gens comme moi qui n’y connaissent pas grand-chose ?
Je dis toujours que la biodynamie, c’est l’homéopathie de la viticulture, on se sert du vivant pour mettre dans les meilleures conditions possibles la vigne. On ne s’occupe pas seulement de la vigne, mais de tout son environnement. On utilise des traitement comme la corne de vache farcie de bouse de vache et laissée à fermenter 1 année : ça devient très riche en bactéries. On dilue ensuite cette solution dans beaucoup d’eau, et on l’administre de manière homéopathique au terrain où les vignes sont plantées, à une période précise du calendrier.
Quel cépage cultivez-vous ?
Le chenin, uniquement. C’est mon favori, un cépage majeur. Avec le riesling, l’autre grand cépage blanc, il se suffit à lui-même pour exprimer un environnement : c’est un traceur de terroir.
Que pensez-vous du système d’appellation ? N’est-il pas trop contraignant ?
J’y suis très attaché. Bien sûr qu’il est contraignant par bien des aspects, en premier lieu le choix des cépages, mais les valeurs qu’il défend sont essentielles : le terroir, la tradition, les hommes… C’est un état d’esprit de plus en plus galvaudé, mis en danger par l’industrialisation du vin en France : les vignes sont achetées par des grands groupes, qui appliquent les mêmes méthodes d’uniformisation au vin pour un produit lissé, formaté. Mais moi je pense que c’est une erreur en France : il y a déjà des tas de pays aux Etats-Unis, en Californie, en Afrique du sud qui le pratiquent. Les vins français peuvent seulement tirer leur épingle du jeu en ce recentrant sur leurs différences, leur savoir-faire traditionnel.
Merci à lui d’avoir accepté d’essuyer les plâtres de cette nouvelle orientation du blog ! Si vous passez en Touraine, ne manquez pas de lui rendre visite dans sa Cave Insolite, une mine d’or où l’on trouve ses vins, ainsi qu’une sélection d’autres nectars qui partagent la même démarche : notamment le Savennières Roche aux Moines de Monique & Tessa Laroche, un autre de mes grands chouchous.
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